Ploutos-Outdoor: ou Aristophane en chantier!

Version brute et réactive, version « dans la rue », en prise directe avec le coeur de la cité. Cette création s’est accompagnée de l’ installation d’un forum physique et d’interventions en cabines téléphoniques incitant les passants et les spectateurs à s’impliquer dans une réflexion autour des thématiques de la pièce d’Aristophane.
– http://ploutos.centerblog.net
Synopsis
Chrémyle, un Athénien, accompagné de son esclave Carion, rentre de Delphes où il s’est rendu pour interroger l’oracle d’Apollon sur l’avenir de son fls : doit-il travailler, comme son père, et vivre pauvrement, ou imiter les vauriens qui s’enrichissent ? Eludant la question, le dieu lui enjoint de suivre la première personne qu’il trouvera sur son chemin : celle-ci mettra fn à tous ses problèmes. Obéissant aux injonctions d’Apollon, maître et esclave suivent un vieillard couvert de haillons, crasseux, édenté, et aveugle, qui n’est autre que Ploutos, le dieu de la richesse. Comprenant alors la cause de leurs maux, Chrémyle et Carion décident de guérir Ploutos de sa cécité afin que ce soit lui qui règne sur le monde ; Ploutos accepte d’aller se faire soigner. Survient Pénia, « la Dèche » (traduction de Victor-Henri Debibour), (« la Pauvreté » chez Hilaire Van Daele) qui accuse le héros d’ingratitude : redonner la vue à Ploutos signife la chasser de la terre. Or, n’est-ce pas elle qui fait tourner le monde ? Elle échoue à se faire entendre et repart mais assure qu’on la rappellera ! Arrivent successivement un sycophante ruiné, un honnête homme devenu riche, une vieille femme rejetée par son gigolo enrichi, Hermès dépêché par les dieux et affamé par manque de sacrifices et un prêtre de Zeus prêt à la reconversion. Le tout s’achève par une grande procession pour installer le nouveau Dieu sur l’Acropole : Avènement du dieu de l’argent dans la cité athénienne.
Distribution
Mise en scène : Gilles Chabrier /
Production : Collectif7
Ploutos-Outdoor a été créé les 16, 17 et 18 septembre 2011, place Jean Cocteau à Saint-Étienne. Ce travail a bénéficié du soutien de la Ville de Saint-Étienne, du Conseil Général de la Loire et de la Région Rhône-Alpes.
Ce qui m’a frappé à la lecture du Ploutos c’est la pertinence des questions qu’il pose, dans la période que nous traversons – laquelle nous paraît étonnamment proche de celle que décrit Aristophane. Point de départ de la comédie: un père qui a des principes, mais à qui ses principes n’ont pas fait faire fortune, se demande s’il doit les inculquer à son fils, alors que seuls réussissent les individus sans morale… Cruel dilemme que bien des parents d’aujourd’hui doivent affronter, en ces temps de crise de l’emploi dont eux-mêmes sont parfois les premières victimes.
Ploutos s’ouvre donc sur un triste constat : il y a quelque chose de pourri dans la République d’Athènes, puisqu’on s’y enrichit essentiellement par des moyens douteux : la spéculation, la dénonciation, la vente d’armes… en d’autres termes, la fortune des uns ne se construit qu’à partir de la misère des autres. A ce système corrompu, à cette situation intenable, Aristophane oppose une crise. Une crise salvatrice et, bien évidemment, jubilatoire…Elle est ici provoquée par Ploutos – le Dieu aveugle de la richesse – après qu’il a recouvré la vue. Ploutos voyant à nouveau clair, ce pourrait être l’intrusion fracassante de la morale dans la chose économique. On commence par le croire. Mais dans Ploutos, la richesse ira désormais moins à ceux qui la méritent qu’à… tout le monde. Une sorte de remise à niveau générale qui aura mis, momentanément, la cité sens dessus dessous… On assiste, en somme, à une folle utopie : l’annulation, par l’argent, des méfaits de l’argent (car une fois Pénia – la pauvreté – chassée de la cité nul ne peut plus s’enrichir sur son dos.) Combien d’entre nous aspirent à l’arrivée d’un Ploutos (au moins sur scène) ? N’y aurait-il pas matière, par son évocation, à réjouir le public d’aujourd’hui, comme celui d’autrefois ? Dorothée Zumstein (09.2009)